FMI

La saisonnalité est ancrée dans l’esprit des investisseurs et octobre a montré que ce n’est traditionnellement pas un mois réputé propice pour les marchés. Ce mois d’octobre 2018 n’échappe pas à la règle, ces deux dernières semaines ayant été particulièrement éprouvantes pour les investisseurs.

En cause, une accumulation de risques sur les marchés : le risque de renforcement de la guerre commerciale, le risque italien, le risque de décrochage de la Chine. Mais en réalité ces menaces étaient déjà présentes depuis un certain temps sans que cela n’émeuve Wall-Street, qui avait montré une résilience à toute épreuve. Alors pourquoi le décrochage des marchés se produit seulement maintenant ?

En fait, à cette conjonction de facteurs, s’est ajoutée la concomitance de deux autres éléments de taille. Le premier, une crainte sur la conjoncture mondiale, le FMI a révisé à la baisse à 3,7% ses prévisions de croissance mondiale pour 2018 et 2019, contre une progression de 3,9% attendue encore en juillet. C’est la première révision à la baisse de la croissance en deux ans.

L’autre élément, qui a été, sans conteste, le facteur déclenchant de cette série de risques est la hausse brutale du taux à 10 ans américain. Comme nous l’évoquions dans notre précédente analyse, ce n’est pas tant la hausse du taux d’emprunt à 10 ans qui pose problème, mais surtout la vitesse à laquelle cette hausse s’opère. Or le 10ans américain a augmenté trop vite pour les investisseurs. En un mois, il est passé de 2,8% à un pic de 3,26%.

De la même façon que ce qu’on avait connu début février, cette accélération à la hausse des taux longs US a été provoquée par le rapport de septembre sur l’emploi, qui a accentué les tensions sur les rendements. L’annonce d’un taux de chômage US tombé à 3,7 % (son plus bas niveau depuis près de 50 ans !), conforté par un salaire horaire en hausse de +2,8% qui plaide vers une hausse de l’inflation, a renforcé la probabilité d’une nouvelle hausse des taux en décembre.

Les déclarations très optimistes de Jerome Powell, patron de la Reserve fédérale américaine, sur les perspectives économiques aux États-Unis ont fini de prendre les investisseurs à contrepieds, les obligeant à réévaluer le nombre de hausses des taux de la Fed à venir.

Cette soudaine remontée des taux longs américains a surpris les marchés et a provoqué un vif mouvement d’aversion au risque. La perspective de taux d’intérêt plus élevés sous-entend des coûts d’emprunt plus élevés pour les entreprises et les ménages. Les marchés s’inquiètent donc de la possibilité que cette hausse simultanée des taux ne ralentisse la croissance.

Mais cette hausse des taux témoigne également de la vigueur de l’économie américaine et d’une hausse des profits des entreprises, qui logiquement devrait pouvoir supporter une hausse des taux, même si les couts d’emprunts entament un peu la rentabilité des entreprises.

Les marchés commencent simplement à intégrer certaines réalités. La perception de la simultanéité d’un ralentissement de la croissance mondiale et d’une politique monétaire américaine plus ‘hawkish’ a sans doute effrayé les investisseurs et conduit à la correction actuelle. Même si depuis le dix ans US a reflué aux environs de 3,15%.

Le scénario le plus probable est que les taux longs américains pourraient continuer à progresser légèrement vers 3.50%, ce qui est un taux tout à fait supportable pour les sociétés américaines, compte tenu des profits colossaux dont elles ont bénéficié, grâce à la réforme fiscale de Trump. D’autant que l’inflation est encore contenue.

Au milieu de toute cette fébrilité, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a été mise de côté, après la conclusion d’un nouvel accord de l’Alena, entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, certes rebaptisé, mais qui au fond ne comporte pas de changement révolutionnaire comparé au précédent traité. Les investisseurs en ont conclu que si Trump accepte de réviser un traité avec si peu de différence avec l’ancien, il n’ira peut-être pas si loin dans la guerre commerciale avec la Chine. Ce qui a rassuré les marchés.

Mais pour Donald Trump, dont les performances de Wall-Street sont un marqueur important de sa politique, il ne voit pas d’un bon œil la baisse des marchés, surtout avant les élections de mi-mandat. Le président américain n’a pas hésité à dire sa désapprobation envers la Fed, l’accusant d’être à l’origine de la dégringolade de Wall Street.

Trump a tenté de minimiser cette baisse et a rassuré sur la bonne santé de l’économie américaine, évoquant une simple correction, attendue depuis longtemps. Il a été soutenu par son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, qui a qualifié les secousses boursières d'”ajustement naturel” des marchés.

Trump ne laissera pas filer les marchés, il a prévu d’amorcer bientôt la ‘phase 2’ de sa grande réforme fiscale.

D’autant que si l’on s’en tient aux fondamentaux macro-économiques, la croissance mondiale n’est pas menacée à court terme. Par ailleurs, les États-Unis ne sont pas à bout de souffle. Ils connaissent certes une forte expansion de l’activité, mais pour l’instant pas de surchauffe, la hausse des salaires reste maîtrisée et l’inflation encore sage.

De l’autre côté de l’Atlantique, la plongée de Wall Street a évidemment mis les bourses européennes sous pression, d’autant que le spectre italien était toujours présent. Aux craintes sur la soudaine hausse des taux d’emprunts américains, l’inquiétude s’est amplifiée autour de la confrontation entre l’Italie et la Commission européenne, qui a annoncé, dans le courant du mois d’octobre, que les objectifs de déficit budgétaire retenus par Rome constituaient un « motif de graves inquiétudes ». Ce qui a propulsé le taux d’emprunt à 10 ans italien jusqu’ à 3,7%. De quoi peser fortement sur la tendance européenne.

Cette pression des marchés sur le taux d’emprunt italien a fini par mettre sous pression le gouvernement italien, qui a fini par lâcher du lest pour parvenir à un accord et permettre au Conseil des ministres d’approuver finalement les grandes lignes du budget 2019. La crainte d’une crise avec l’Italie semble s’éloigner et un semblant de raison est de retour sur les marchés.

Face à une conjonction d’incertitudes les initiatives ont logiquement été freinées. Toutefois, il est important de prendre un peu de recul sur ces mouvements à court terme et de temporiser. La phase qu’ont connu les marchés cette première quinzaine d’octobre, s’apparente plus à une correction qu’à un début de tendance baissière à long terme. De plus, le renforcement des moteurs internes, comme la baisse du chômage et la hausse des salaires aux États-Unis et en Zone Euro sont des éléments positifs pour la poursuite du cycle économique.

Du côté du marché des changes, l’euro a repris quelques couleurs sur les 1,16 dollars. Le billet vert a, quant à lui, perdu son ascendant sur la devise européenne après la publication de chiffres, moins forts que prévu, sur l’inflation. Les dernières déclarations de Trump mettant en cause la Banque centrale américaine ont également affaibli la devise US.

Le pétrole est, de son côté, retombé sur le niveau des 80 dollars le baril de Brent, alors que l’Opep et l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) ont revu leurs prévisions de demande mondiale à la baisse.

Un marché du pétrole qui reste particulièrement prudent, ces derniers jours, alors que les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite se sont brusquement refroidies, après la disparition d’un journaliste saoudien, dans des conditions obscures. Suite aux menaces de Trump qui se sont ensuivies, les saoudiens ont laissé entendre que « si la hausse du prix du pétrole à 80 dollars déplaisait au président Trump, il ne faudra pas s’étonner de voir le cours s’envoler à 100, ou même 200 dollars en cas de sanctions ». Mais depuis, au vu des enjeux, la situation semble s’être apaisée de part et d’autre.

Toujours du côté des matières premières, l’or qui culmine à 1220 dollars a enfin trouvé un peu d’attrait aux yeux des investisseurs, profitant de ce mouvement d’aversion au risque pour retrouver son rôle de valeur refuge, malgré les taux.

Précision : Les informations contenues dans cet article n’engagent que le rédacteur et ne sauraient se substituer à un conseil financier spécifique. Elles ne sont valables qu’à la date de leur rédaction uniquement.

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